Décennie après décennie, les déserts médicaux se sont répandus en France telle une épidémie, d’abord à bas bruit, en partant des zones rurales les plus reculées, puis au vu et au su de tous, Etat, gouvernements, Parlement, collectivités locales, autorités de santé.

Très présente dans la vie quotidienne de millions de français, mais relativement absente du débat public, la dégradation constante de l’accès au soin reste une question brûlante d’actualité.

Qu’est-ce qu’un désert médical ?

On parle de désert médical dès lors qu’un territoire manque d’une ou plusieurs catégories de professionnels de santé : médecins généralistes ou spécialistes – dentistes, psychologues, gériatres, pédiatres, kinésithérapeutes… -, infirmiers / infirmières, ou encore équipements de santé (maternités, services d’urgences, etc).

En d’autres termes, il s’agit de constater une inadéquation géographique entre l’offre et la demande de soins de santé.

En 2018, un peu moins de 6% de la population française vit dans une zone sous-dotée. Entre 2015 et 2020, le nombre total de médecins généralistes exerçant en libéral sur le territoire national a baissé de 2700, pour s’établir à un peu moins de 60 000.

La zone la plus touchée est celle connue en géographie humaine sous le nom de “diagonale du vide”, entre les Pyrénées et le nord-est de la France en passant par le massif central ; c’est là qu’on trouve les départements les plus pauvres, les moins peuplés et les plus ruraux : la Lozère, la Creuse, le Limousin, la Haute-Marne…

Le phénomène s’étend également à certaines zones périurbaines, jusqu’à la riche et peuplée Ile-de-France dans les départements de la grande couronne.

Dans ces zones, la population se trouve contrainte soit de repousser les soins, soit purement et simplement d’y renoncer.

Du côté des patients, on s’adapte comme on peut : les plus modernes ont recours à la téléconsultation médicale, mais les personnes âgées, les malades d’affections de longue durée, les personnes handicapées, continuent à se sentir négligés.

Parmi les causes de la désertification médicale, on trouve :

  • le départ en retraite de nombreux médecins issus du baby-boom
  • le numerus clausus (réduction du nombre de places disponibles en école de médecine) trop faible depuis les années 1990
  • et les choix personnels des jeunes médecins qui préfèrent s’installer dans des villes et dans des zones plutôt riches et peuplées plutôt que dans des campagnes mourantes ou dans des cités-dortoirs en décrépitude

Des solutions trop timides

Pour remédier à cette situation, l’Etat propose des aides à l’installation des jeunes médecins dans les déserts médicaux, augmente le numerus clausus depuis quelques années (mais il faut 9 à 12 ans pour former un médecin…), ou encore permet aux médecins en âge de partir à la retraite de cumuler leur revenu avec leur pension de retraite.

Motivées à agir contre un phénomène qui menace leur attractivité, les  collectivités territoriales, les départements, les communes, et même les régions, accordent des bourses d’études sous condition d’installation future des boursiers sur le territoire local, créent des centres médicaux, favorisent la médecine ambulatoire (bus ruraux).

Reste à appliquer des remèdes plus radicaux pour guérir une France malade de sa médecine :

  • Coordonner l’action anarchique des divers acteurs publics qui agissent trop souvent chacun pour soi sans tenir compte de l’action des autres
  • Soutenir le développement de la télémédecine, qui règle une partie du problème grâce aux consultations à distance, en laissant l’autre intact (on ne fait pas un accouchement ou une réanimation cardiaque par téléconférence)
  • Autoriser les professionnels de santé à mettre en oeuvre leurs compétences – par exemple, laisser des pharmaciens faire des renouvellements d’ordonnances
  • Et enfin, et peut-être surtout, trouver des moyens – incitatifs ou coercitifs – d’amener des médecins à s’installer dans des zones en tension

A ces conditions pourra se régler, ou pas, le problème des déserts médicaux en France.