Le lâcher-prise

Dans le mésusage de la locution « lâcher prise » réside le fantasme du contrôle et du volontarisme. Certaines maladies ou affections nous donnent à vivre des moments de perte de contrôle d’un organe ou d’une fonction. Ces expériences peuvent générer à la fois une panique, mais également une forme de soulagement. Acculé à l’évidence « ça ne réponds plus », force est de constater que « celui qui se prend pour moi » n’a aucun pouvoir à cet endroit. Tout comme nous pouvons réaliser à chaque instant, que « ça respire » et nullement que « je » respire.

Aussi, il n’y a pas de lâcher-prise à agir pour aboutir à un état de non-identification et de non-appartenance avec tous les objets de nos interactions. En fait, Il s’agit de la résultante du constat que « ça lâche » réalisant que « moi », dans toute sa grandiloquence, n’y est pour rien. Non que ce résultat ne relève pas d’un travail. Mais ce dernier vise davantage à intégrer une forme d’impuissance, que de nourrir l’illusion d’une toute-puissance individuelle. C’est dans ce paradoxe que réside la puissance du sujet ; à l’image de celui qui devient invulnérable en chevauchant ses vulnérabilités.

Les ressentis d’impuissance et d’impermanence vont de pair. Ils peuvent aussi créer un immense apaisement, là où nous n’avons pas la main et donc pas d’énergie de refus stérile de la situation, ni de ressenti d’injustice à alimenter. Le contrôleur (ego) prétend figer l’impermanence. Chercher à actionner un lâcher-prise, comme on appuierait sur le bouton de la « bonne » volonté, procède encore du contrôle et de l’illusion de pouvoir capturer le faucon Yaka.

Il en est de même pour le pardon sur lequel nous n’avons pas de prise directe. Il advient lorsque l’offensé a disparu (comme le disait si justement Yvan Amar). L’offense a bien eu lieu, mais à un moment du cheminement, il n’y a plus d’offensé. A cet instant-là, nous pouvons parler de pardon. Ce n’est pas le grand « moi » dans sa mansuétude, qui offre un pardon qui ne lui appartient pas.

Pourtant, il y a bien un endroit qui procède de la décision. C’est celui de la responsabilité. Il implique le positionnement d’adulte, l’abandon de la posture victimaire et permet l’engagement. C’est toute la différence entre le volontarisme, la toute-puissance et la responsabilité.

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